12. Rosa
Rosa Von Braun.
Rosa travaillait à la clinique.
Elle s’occupait de moi lors de mes séances de sismothérapie.
Enfin des électrochocs.
La thérapie par électrochocs réduit la connectivité corticale frontale en cas de désordre dépressif sévère.
À ce jour, la thérapie par électrochocs — électroconvulsivothérapie ou ECT — est le traitement le plus puissant dans la dépression sévère. Bien que l’ECT ait été appliquée avec succès dans la pratique clinique depuis plus de 70 années, les mécanismes sous-jacents de l’action demeurent floues. Grâce à l’utilisation de l’IRM fonctionnelle et d’une approche unique de l’analyse fondée sur des données pour examiner la connectivité fonctionnelle dans le cerveau avant et après traitement par électrochocs. Les résultats indiquent que l’ECT a des effets durables sur l’architecture fonctionnelle du cerveau. Une comparaison des données de connectivité fonctionnelle avant et après traitement dans un groupe de patients a révélé une importante grappe de voxels dans et autour de la région corticale préfrontale dorsolatérale gauche (aires de Brodmann 44, 45, et 46), où la connectivité fonctionnelle globale moyenne était considérablement diminué après le traitement ECT. Cette diminution de la connectivité fonctionnelle est accompagnée d’une amélioration significative des symptômes de dépression. Les résultats observées ajoutent du poids à l’émergence de l’« hypothèse d’hyperconnectivité » dans la dépression et soutiennent la proposition que l’augmentation de la connectivité peut constituer à la fois un biomarqueur de trouble de l’humeur et une cible thérapeutique potentielle.
Et surtout, comme Rosa aimait à me le répéter, les désagréments étaient presqu’insignifiants — troubles passagers de la mémoire et de l’orientation — au vu des bienfaits.
Je la croyais. Bien évidemment.
C’était une merveilleuse psychiatre doté d’un sens aigu de la pédagogie. J’avais une entière confiance en elle.
Puis un jour, elle ne me conduisit pas au bloc pour une nouvelle séance. Nous restâmes dans son bureau où elle me proposa de ralentir, puis espacer pour enfin arrêter l’ECT. Elle dirigeait un projet-pilote et un cas comme le mien pouvait tout à fait rentrer dans le protocole.
— Comme je vous l’ai maintes fois dit et redit, la sismothérapie a peu d’effets secondaires sur le court terme. Mais vu votre cas et la durée de la thérapie qui s’allonge, envisager une autre voie ne serait pas inintéressant. Je m’explique, commença-t-elle sur le ton professoral qui me rassurait tant.
— Tout d’abord ce projet est pour le moment en phase d’agrément et nous recherchons des unités, des volontaires si vous préférez, afin de pouvoir valider les hypothèses que les tests préalables ont mis en évidence. Je vous vois tout à fait rentrer dans le cadre du projet.
Je finissais par ne plus l’écouter qu’à moitié.
Comme souvent.
Et, comme souvent, je fantasmais sur ses jambes magnifiques que j’avais eu l’opportunité d’entre-apercevoir en salle de réveil. Cette fois-là, elle me croyait encore sous anesthésie et elle avait légèrement ouvert sa blouse pour mieux se détendre les jambes.
Magnifiques comme je l’ai dit.
Longues. Musclées. La promesse d’étreintes teutonnes et passionnées.
— Le projet, nommé Égrégore, consiste en un protocole des plus simples : la prise sous la forme de simples injections d’un nouvel inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine, mais vous connaissez déjà, et d’un neuroleptique révolutionnaire. Ce médicament d’un nouveau type mêle donc un traitement classique antidépresseur à un anti-psychotique puissant. Il se présente sous la forme d’une solution bleu que nous nommons eGG-101. Malheureusement je ne peux pas entrer plus avant dans sa composition. Alors vous êtes partant ?
C’est donc à ses jambes que je répondis par l’affirmative.